
Odile Allard, cofondatrice et p-dg de Fluoptics
© © Franck Ardito
Lorsqu'elle s'est engagée à fonder la société Fluoptics, Odile Allard ne pensait pas que le projet allait être aussi prenant. « Aujourd'hui, tout mon temps y est consacré ! », s'enthousiasme la cofondatrice et p-dg de la jeune entreprise. C'est à partir de travaux de recherche autour de l'imagerie de fluorescence qu'est née l'idée de créer Fluoptics. La rencontre avec Philippe Rizo, l'un des chercheurs à l'origine de ces travaux et aujourd'hui associé à l'entreprise, a donné envie à Odile Allard de se « lancer dans l'aventure ».
Fluoptics repose sur une technologie d'aide à la chirurgie des cancers, issue des travaux du CEA-LETI, de l'Université Joseph Fourier, du CNRS et de l'Inserm. La technologie s'articule autour de deux composantes : un traceur fluorescent qui cible les tumeurs cancéreuses, l'AngioStamp, accompagné d'un système d'imagerie optique en temps réel pour visualiser les cellules tumorales. L'innovation réside dans l'originalité du traceur. « Il n'existe pas aujourd'hui de traceur fluorescent ciblant, injectable chez l'homme », explique Odile Allard. Le traceur fluorescent possède une double capacité de ciblage. D'une part, il cible un certain type de protéines, les intégrines ±avb3, présentes de façon spécifique à la surface des cellules cancéreuses. D'autre part, il cible la néo-vascularisation générée par l'angiogénèse, mécanisme particulièrement développé dans le cas de la croissance de tumeurs. Une fois injecté dans le corps, le traceur fluorescent va se fixer sur les cellules tumorales. Lors de l'intervention chirurgicale, le système d'imagerie excite le traceur fluorescent et permet de visualiser ces cellules. L'ensemble traceur et système d'imagerie optique développé par Fluoptics peut se targuer de déceler des métastases non visibles à l'œil nu, jusqu'à 300 microns, et donc permettre leur ablation sans toucher aux tissus sains. Ainsi, le chirurgien est en mesure de contrôler son acte avec une grande précision et veiller à ce que l'intégralité de la tumeur maligne soit retirée.
Une dernière étape avant les essais cliniques de phase I
En 2007, les fondateurs de la société se sont penchés sur la faisabilité de la technologie. Fluoptics est créée au début de l'année 2009. La société implante ses locaux à Grenoble sur le campus Minatec.« Il y a là un véritable support et l'accès aux laboratoires est facilité », ajoute Odile Allard. Sept personnes travaillent désormais au sein de l'entreprise, dont un directeur technique et scientifique, un physicien, un chimiste, un biologiste, une responsable qualité et réglementaire. « Nous avons eu la volonté de nous entourer de toutes les compétences requises pour développer notre technologie », précise la p-dg de Fluoptics. Pour le moment, l'Angio-Stamp n'a été testé que sur modèle animal. Les premiers traceurs ainsi qu'un système d'imagerie de fluorescence nommé Fluobeam sont déjà commercialisés sur le marché préclinique auprès de plusieurs laboratoires de recherche académique pour leurs travaux in vivo. La récente levée de fonds, à hauteur de 750 €, va permettre de finaliser la phase pré-clinique et de s'assurer que le produit n'est pas toxique pour l'homme. A l'issue de cette étape, si les résultats sont concluants, les essais cliniques de phase I pourront débuter.
Le marché à conquérir n'est pas des moindres : chaque année, 5 millions de personnes dans le monde subissent des interventions chirurgicales qui pourraient être optimisées avec le traceur. Actuellement, les chirurgiens disposent d'appareils d'imagerie (scanner, IRM, radiographie) qui leur permettent de préparer les interventions pour ôter les tumeurs malignes. Mais au moment de l'opération, une fois les tumeurs localisées, ils ne disposent alors plus que de leurs propres sens pour pratiquer l'ablation de la tumeur. « L'utilisation de notre technologie pourrait à ce moment là apporter une aide précieuse au chirurgien », souligne Odile Allard. En testant la technologie avec une équipe clinique, il a été constaté que l'utilisation de l'AngioStamp permettait d'enlever d'autres tissus cancéreux, que le chirurgien n'avait pu détecter seul.
Pour le moment, dans l'attente des résultats des tests de toxicité, Odile Allard garde la tête sur les épaules : « Nous savons que cette approche est encore très nouvelle face aux pratiques réglementaires », reconnaît-elle. En cas de succès, on pourrait assister à une petite révolution dans le traitement des cancers.
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