La croissance du marché de
l'oncologie est deux fois et demie plus élevée que le reste de la
pharmacie, mais les taux de succès déclinent.
Beaucoup d'appelés, peu
d'élus: il y a aujourd'hui trois fois moins de chance d'amener un
anticancéreux de la phase I jusqu'à la commercialisation qu'il y a
quinze ans. « Nous avons observé une baisse significative des taux
de succès du développement clinique des anticancéreux », introduit
Lionel Delaporte, directeur chez Bionest Partners. Le cabinet de
conseil vient de publier la deuxième édition de son étude
prospective sur le marché de l'oncologie pour ces cinq prochaines
années. Les périodes fastes de cette spécialité sont pourtant loin
d'être révolues. Au contraire. Quelques chiffres suffisent à se
faire une idée. En 2006, le marché chiffrait à 57 milliards de
dollars (38,9 Mrds e). Il passera à 92 Mrds $ (62,8 Mrds E) d'ici à
2011, au rythme d'une croissance annuelle de 12 %. Toujours en
2006, les anticancéreux ont représenté 16 % des blockbusters. Cette
spécialité continuera de tirer l'ensemble des ventes de la
pharmacie. Le marché de l'oncologie devrait ainsi dépasser celui de
la cardiologie d'ici à 2011.
Il n'empêche les taux de
succès déclinent. En plus de 15 ans, les chances de lancement de
phase I jusqu'à l'AMM ont baissé de 23 %. Ce taux de succès était
de 3,2 % en 2000, contre 8 à 9 % pour l'ensemble des produits
pharmaceutiques, toutes spécialités confondues (phase I à la
commercialisation). Selon Bionest, cette baisse est notamment due
au fait que les approches thérapeutiques des molécules les plus
récentes sont plus risquées. En effet, plus de 40 % des nouveaux
traitements en développement sont dirigés contre des mécanismes
inédits et plus de 70 % des cibles thérapeutiques étudiées étaient
jusqu'alors inexploitées. Pour les évaluer correctement, il faut
des modèles animaux appropriés et robustes. Justement, le manque de
modèles et de représentativité de biomarqueurs que l'on utiliserait
comme preuve de concept se pose depuis quelques années. Par
ailleurs, au cours des essais de phase III, le médicament est
évalué en fonction de son impact biologique global, alors que les
objectifs primaires portent sur les survies plus ou moins
prolongées. Ce qui devient mécaniquement, au fur et à mesure des
innovations, de plus en plus difficile à démontrer
significativement. « Les plans de développement cliniques butent
sur une population restreinte composée de malades réfractaires à
tous les traitements disponibles. Par exemple dans le cancer du
poumon, une course aux patients s'est lancée en raison d'un nombre
important de médicaments en phase III », affirme Stéphane Parnis,
Practice Leader chez Bionest. Autre évolution sur laquelle les
laboratoires se heurtent: la nécessité de réaliser des essais
comparatifs avec pour référence les dernières innovations. Quelques
chances de moins de montrer des effets thérapeutiques
importants.
Parallèlement à ces
nouvelles règles du jeu, les laboratoires sont confrontés à de
nouvelles menaces. Tout d'abord, une plus forte pression sur les
prix. En France, tout spécialement, l'introduction du « prix de
responsabilité des produits coûteux » instaure une base de prix sur
laquelle les hôpitaux sont remboursés. De même, la mise en place
d'une marge de reversement de médicaments coûteux encourage les
hôpitaux à négocier activement les prix avec les laboratoires. La
prise en charge des patients évolue également. Une régulation plus
stricte des utilisations hors indication des produits de santé
coûteux oblige désormais les médecins à justifier leur utilisation
(« contrat de bon usage »). Un contexte qui limite sans doute la
prise de risque et par conséquent les chances d'innover. « Dans ce
contexte, le paysage de l'industrie va évoluer », prédisent les
experts de Bionest.
Aucune raison néanmoins de
jeter l'éponge. De nombreux besoins médicaux restent non
satisfaits. Les “plans cancers” de certains pays – comme les
États-Unis et la France –, constituent un soutien significatif.
Autre avantage majeur: il y a très peu de risques de voir un
produit devenir obsolète. « Il existe encore de très anciens
produits couramment utilisés par les cliniciens », souligne
Stéphane Parnis. Enfin, une forte augmentation des incidences de
cancers, liés au vieillissement des populations et sans doute aussi
aux diagnostics plus précis, alimente encore le
marché.
Le succès de la stratégie
“blitz”
Les clés du succès pour 2012 peuvent se résumer en trois points, selon le cabinet Bionest: un engagement fort dans la spécialité, une diversification des approches thérapeutiques (et les classes de molécules) et enfin une capacité à accéder à des licences de sociétés de biotechnologies qui détiennent 70 % des innovations. Les choix stratégiques de Roche, leader incontesté de ce marché (il réalise 40 % de son chiffre d'affaires en oncologie), sont également intéressants à observer. Outre l'acquisition originale d'une partie du capital de Genentech, qui lui laisse toute l'autonomie et la latitude nécessaire à l'innovation, Roche a adopté une approche systématique de couplage de l'outil diagnostique et du traitement ciblé. Sa stratégie du « blitz », qui consiste à accompagner en parallèle le développement d'une molécule sur plusieurs indications, s'avère bien plus payante qu'un développement classique. « C'est une façon d'éparpiller le risque du développement, précise Stéphane Parnis. Si Roche avait développé l'Avastin avec cette stratégie blitz, le produit générerait à lui tout seul 60 milliards de dollars de ventes. » En s'appuyant sur l'ensemble des données récoltées au cours de l'étude, le cabinet Bionest Partners a proposé un podium des “champions du marché de l'oncologie d'ici à 2012”. Palmarès: Roche/Genentech resterait leader incontesté du marché, avec Novartis, Pfizer et GSK comme challengers, suivis de J&J, Bayer Schering Pharma, Celgene et Amgen et enfin de BMS, Sanofi-Aventis et AstraZeneca. n Nadia Timizar
Les clés du succès pour 2012 peuvent se résumer en trois points, selon le cabinet Bionest: un engagement fort dans la spécialité, une diversification des approches thérapeutiques (et les classes de molécules) et enfin une capacité à accéder à des licences de sociétés de biotechnologies qui détiennent 70 % des innovations. Les choix stratégiques de Roche, leader incontesté de ce marché (il réalise 40 % de son chiffre d'affaires en oncologie), sont également intéressants à observer. Outre l'acquisition originale d'une partie du capital de Genentech, qui lui laisse toute l'autonomie et la latitude nécessaire à l'innovation, Roche a adopté une approche systématique de couplage de l'outil diagnostique et du traitement ciblé. Sa stratégie du « blitz », qui consiste à accompagner en parallèle le développement d'une molécule sur plusieurs indications, s'avère bien plus payante qu'un développement classique. « C'est une façon d'éparpiller le risque du développement, précise Stéphane Parnis. Si Roche avait développé l'Avastin avec cette stratégie blitz, le produit générerait à lui tout seul 60 milliards de dollars de ventes. » En s'appuyant sur l'ensemble des données récoltées au cours de l'étude, le cabinet Bionest Partners a proposé un podium des “champions du marché de l'oncologie d'ici à 2012”. Palmarès: Roche/Genentech resterait leader incontesté du marché, avec Novartis, Pfizer et GSK comme challengers, suivis de J&J, Bayer Schering Pharma, Celgene et Amgen et enfin de BMS, Sanofi-Aventis et AstraZeneca. n Nadia Timizar