
Dans ses nouvelles installations de Neuville, Sanofi Pasteur se prépare à produire son futur vaccin contre la dengue.
© Sanofi Pasteur
La construction d'une nouvelle unité de production est une occasion unique de repartir d'une page blanche et de concevoir un outil industriel performant, le plus efficace possible. Cette opportunité a été offerte en 2009 à Olivier Briand et à son équipe projet, avec la création d'une nouvelle activité de vaccin sur le site Sanofi de Neuville-sur-Saône, dans le Rhône. Alors que la traditionnelle production de corticoïdes doit s'arrêter définitivement fin 2013, le site va connaître une nouvelle jeunesse avec la production de la matière active du futur vaccin contre la dengue de Sanofi Pasteur, moyennant quelque 300 millions d'euros d'investissement. La production démarrera en 2014 à Neuville. Aujourd'hui, la construction des installations est achevée et le site est en phase de qualification de ses équipements.
Parmi les différents sujets qui ont été revisités pour optimiser la performance, Olivier Briand, désormais directeur adjoint Vaccins à Neuville, s'est tout particulièrement intéressé aux systèmes documentaires et instructions qui accompagnent les équipes de production dans leur quotidien. D'autant plus que Neuville va faire l'objet d'une spécificité : 70 % de son effectif sont issus des installations de chimie pharmaceutique, activité en cours d'arrêt et aura fait l'objet d'une reconversion avec l'aide du site de Marcy-l'Étoile. « La particularité du monde des vaccins, par rapport à la chimie, est que l'on jongle en permanence entre le pilotage d'équipements automatisés de pointe et la réalisation de tâches manuelles, relativement critiques, qui s'apparentent à des manipulations de laboratoire, comme des connexions aseptiques de tuyauterie souple, du clampage, des prélèvements... ». Du coup, deux mondes se côtoient. Et il y en a même un troisième, si l'on considère le système MES. « Nous avons rajouté un système MES. C'est un outil de gestion informatisée des données qui aide l'opérateur à mettre en œuvre le process. Il capte l'ensemble des informations du batch et génère ensuite le dossier de lot », explique le dirigeant, ajoutant que peu de sites de vaccins fonctionnent déjà avec un outil de ce type aussi intégré à l'activité.
Vu la complexité des tâches, il a ainsi été décidé de consacrer une grande attention à la rédaction du système documentaire associé aux différents postes de travail. « Encore trop souvent les documents et instructions sont écrits par des gens loin du terrain dans l'optique de répondre à des besoins d'audits, plutôt qu'aux besoins quotidiens de l'opérateur. Or une bonne documentation permet d'éviter des erreurs humaines et cela répond à un besoin de qualité », ajoute Olivier Briand. Pour donner l'impulsion de ce chantier, Olivier Briand a fait appel à la société de conseil Oxo Pharma. « La société Oxo Pharma a une bonne connaissance de l'industrie pharmaceutique et des process de création de documentations. Elle nous a permis d'aller rapidement vers une solution efficace sans nous fourvoyer », explique-t-il. La société de conseil a notamment piloté les ateliers de « brainstorming » et la création du format du document selon trois impératifs. Il fallait trouver un moyen de traduire le lien entre les trois composantes du process : système automatisé de pilotage, MES et opérations manuelles. Les fiches d'instructions devaient être conçues de façon à ce que les gens de terrain puissent les rédiger très simplement sans avoir l'angoisse de la page blanche. Enfin, une approche homogène devait être mise en œuvre dans toutes les zones de production (préparation de milieu, culture cellulaire, zone virale) afin de pouvoir faciliter la polyvalence des opérateurs « pour donner à la fois de la souplesse à notre outil industriel et de l'intérêt au travail, en facilitant notamment les changements de postes et évolutions », souligne le dirigeant.
Ce travail a abouti à l'élaboration d'une trame documentaire qui a été pleinement validée par les services qualité du groupe Sanofi. L'originalité des nouvelles feuilles d'instruction est qu'elles sont divisées en trois parties, correspondant aux trois composantes du process (opérations manuelles, MES et pilotage automatisé). Par ailleurs, 29 pictogrammes ont été imaginés pour remplacer des verbes d'action (mélanger, prélever, peser, noter... ), ce qui a permis de simplifier les fiches et de les rendre plus visuelles. La rédaction de toutes ces fiches documentaires est actuellement en cours. Elle est réalisée par les équipes de terrain de Sanofi et est un pré-requis aux étapes de qualification des équipements. Par exemple, la qualification de la stérilisation en place qui vient d'être achevée a été faite avec cette nouvelle documentation associée. Au total, l'unité de production disposera d'une cinquantaine de documents pour décrire l'ensemble de ces opérations.
Cette documentation est consignée dans des classeurs papier mis à disposition dans les zones de travail. « On ne pouvait pas tout mettre sur des écrans informatiques car il y a déjà beaucoup de choses à gérer ainsi. Culturellement, les instructions papier restent très utilisées au poste de travail », ajoute le dirigeant. Ces informations seront complétées dans chaque zone par des posters muraux qui résumeront les activités de la zone de travail. En un seul coup d'œil, les opérateurs pourront se situer dans le procédé.
Parallèlement, Olivier Briand a travaillé avec Oxo Pharma pour réfléchir sur la formation de futurs opérateurs de production. « Même si nos équipes sont aujourd'hui au complet, il faut avoir en permanence la capacité à intégrer de nouveaux collaborateurs. Il peut y avoir des départs, des arrêts maladie ... », estime Olivier Briand. Sur la base de retour d'expérience des collaborateurs qui ont fait l'objet d'une formation récente dans le cadre de leur reconversion, Oxo Pharma a travaillé sur l'optimisation du processus de formation au poste. Ils devraient comporter moins de parties théoriques, mais plus de formation au poste de travail, à travers une phase de compagnonnage étendue. Cette phase serait toutefois morcelée pour habiliter progressivement les opérateurs à l'exécution de tâches de complexité croissante et leur permettre de contribuer rapidement à l'activité de production.
La qualité pharmaceutique repose sur un principe : « on écrit ce que l'on fait et l'on fait ce qui est écrit », rappelle Olivier Briand. D'où l'importance d'une bonne rédaction des procédures et d'une formation adaptée des opérateurs pour permettre la reproduction rigoureuse des tâches. L'erreur humaine reste l'un des grands ennemis de la production pharmaceutique avec pour conséquence radicale : la destruction du lot.
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