
Production de matière active chez Sanofi Chimie, à Sisteron.
© © Sanofi Chimie
Le 10 décembre 2008, la Commission européenne émettait de nouvelles propositions législatives dans le cadre du « Paquet pharmaceutique », pour modifier la réglementation communautaire du médicament et particulièrement la directive 2001/83/CE. Dans ce Paquet pharmaceutique trois directives : une sur l'accès des patients à l'information sur les médicaments, une sur la lutte contre la contrefaçon et une dernière sur le renforcement de la pharmacovigilance. Aujourd'hui, ce Paquet pharmaceutique est en cours de discussion au niveau du Parlement et du Conseil européens. Il pourrait être adopté en cette fin d'année 2010. Les États membres auront ensuite un délai de 18 mois pour sa transposition en droit national, ce qui correspond à une entrée en vigueur en 2012. Sur les trois propositions de directives, les acteurs de la chimie fine en France s'intéressent plus particulièrement à celle qui concerne la contrefaçon de médicaments. « Nous demandons que la notion de médicament falsifié intègre la notion d'API (ndlr : matière active) falsifiée, explique Pierre Beaugrand, président du Sicos. En effet, si certains médicaments vendus sur Internet peuvent être des produits falsifiés, des API falsifiés peuvent aussi se cacher dans des médicaments formulés et conditionnés par de grands laboratoires pharmaceutiques si leurs fournisseurs ne respectent pas les GMP ou font produire la matière active par des tiers sans aucun contrôle » ajoute-t-il. Ces matières actives importées peuvent certes passer positivement l'épreuve des contrôles analytiques. Mais dans ce domaine, on ne trouve que ce que l'on cherche. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé avec l'affaire des héparines contaminées. Les impuretés qui n'avaient pas été décrites par les pharmacopées n'ont pu être détectées, causant la mort d'une centaine de patients aux États-Unis. « Dans notre métier, au-delà du produit, il est essentiel de contrôler toutes les étapes du processus de fabrication » rappelle le président.
Pour l'heure le projet de directive prévoit « la mise en place de l'obligation d'une confirmation écrite par le pays tiers exportateur attestant que les normes de bonnes pratiques applicables sont au moins équivalentes à celles de l'Union, à moins que l'État tiers concerné n'ait déjà été inscrit sur une liste de pays considérés comme assurant un niveau de protection de la santé publique équivalent à celui de l'Union » explique l'Afssaps dans un récent bulletin d'informations. Enfin, il est envisagé de mettre en place un « système d'accréditation ». « Les titulaires de cette autorisation de fabrication de médicaments ou de distribution en gros devront vérifier respectivement que le fabricant de substance active respecte les BPF et que les fournisseurs respectent les bonnes pratiques de distribution en gros, soit par eux-mêmes, soit en faisant appel à un organisme accrédité par l'autorité compétente. Sur impulsion française, il est également envisagé d'étendre le champ de cette directive aux excipients » ajoute l'agence.
Mais les producteurs de matières actives en France, représentés au niveau européen par l'association EFCG, souhaitent aller plus loin en ce qui concerne les principes actifs en introduisant de nouveaux amendements. « Nous avons trois axes de lobbying, explique Pierre Beaugrand. Outre la question de la définition du médicament falsifié déjà abordée, nous voulons rendre obligatoires les inspections des fabricants de principes actifs dans les pays tiers par une autorité administrative (autorité communautaire compétente à moins qu'il n'existe dans le pays tiers concerné un contrôle des Bonnes Pratiques de Fabrication semblable ou au moins équivalent à celui de l'UE) avec délivrance de certificats de bonnes pratiques. Nous voulons également que soit fait mention sur la boîte de médicament de l'origine géographique de la matière active. Cette idée d'inscription du pays d'origine est une proposition du Sicos qui a été reprise par l'EFCG. C'est dans l'intérêt de tous les producteurs de matières actives ». Interrogé sur les chances de succès de ces revendications, Pierre Beaugrand assure que l'inspection systématique des sites asiatiques n'est pas insurmontable. Entre les différentes agences européennes et américaines, plusieurs centaines d'inspections sont réalisées chaque année. La FDA américaine a même installé une antenne en Chine, à la suite de l'affaire de l'héparine. L'Europe pourrait en faire autant. Il faudrait juste coordonner les actions. « On estime entre 3 000 et 4 000 le nombre de producteurs d'API en Chine. Un quart d'entre eux exportent. Il ne faudrait guère plus de 3 ou 4 ans pour les inspecter tous » évalue Pierre Beaugrand. Pour ceux qui rétorquent que le coût de ces inspections serait prohibitif, il estime « que c'est un faux problème ». Les fabricants européens de matières actives et/ou les audités qui accèdent ainsi au marché européen pourraient participer au financement de ces inspections. « Les parlementaires sont sensibles à nos arguments. Mais il est difficile de présager de ce qui va se passer. Si nous n'aboutissons pas sur toutes nos revendications, nous aurons néanmoins marqué des points » conclut Pierre Beaugrand.
%%HORSTEXTE:0%%