Les prix Nobel de Médecine font honneur à des
découvreurs de souches virales dont la caractérisation
a abouti à un vaccin dans un cas et à des traitements
dans l'autre.
Les prix Nobel de
Médecine font honneur à des découvreurs de souches virales dont la
caractérisation a abouti à un vaccin dans un cas et à des
traitements dans l'autre. Le premier fait référence au vaccin
prophylactique des souches de papillomavirus humain (HPV) corrélées
au cancer du col de l'utérus, le second au virus de
l'immunodéficience humaine (VIH), cible de plusieurs thérapies
développées en un temps record. Le prix Nobel de chimie, lui,
récompense le découvreur d'une protéine fluorescente devenue
incontournable pour la science moderne.
Le prix Nobel de médecine place la recherche française sous les
feux de la rampe. Alors que la pandémie de Sida est loin d'être
circonscrite et que les développements de vaccins se soldent par
des échecs, la souche virale est connue depuis 1984. Et les
découvreurs sont désormais sans conteste Françoise Barré-Sinoussi
et Luc Montagnier.
Le syndrome de l'immunodéficience acquise (Sida) démunit les
médecins quand il apparaît en 1981. S'engagent alors des travaux
pour identifier l'origine de ce Sida. Sans se perdre dans les
détails, les recherches de Françoise Barré-Sinoussi et de Luc
Montagnier ont commencé par la mise en culture les cellules d'un
ganglion lymphatique caractéristique des étapes précoces de la
déficience acquise. Ils ont ensuite détecté l'activité d'une enzyme
rétrovirale, la transcriptase inverse, signe de la réplication d'un
rétrovirus. Vient ensuite une foultitude de découvertes sur le
mécanisme d'action de ce virus, notamment sur ce qui fait sa grande
particularité. Contrairement à d'autres rétrovirus humains
oncogéniques, le virus de l'immunodéficience humaine n'induit pas
de croissance cellulaire incontrôlée. Il a plutôt besoin d'une
activation cellulaire pour la réplication de lymphocytes T, sa
cible préférée qui explique la déficience du système immunitaire.
D'autres publications ont conforté la découverte française, en
faisant le lien entre le virus de l'immunodéficience et le syndrome
de l'immunodéficience acquise. Le clonage du génome de la souche
HIV-1 a accéléré les possibilités de diagnostic puis de dépistage
qui sont des outils indispensables pour contrôler l'expansion de la
pandémie. Le développement de plusieurs classes d'anti-rétroviraux
aura été atypique en recherche biomédicale. Ces médicaments
développés très rapidement offrent aujourd'hui aux patients de
vieillir avec la maladie. Malheureusement, les efforts dans le
domaine restent colossaux, en terme de prise en charge d'accès aux
traitements pour les patients des pays pauvres mais aussi en
recherche. Le plus grand espoir repose sur la mise au point d'un
vaccin. Une gageure, semble-t-il.
Le prix Nobel récompense également le découvreur des souches de
papillomavirus à l'origine du cancer cervical, l'Allemand Harald
zur Hausen. Ces dernières années, ces virus sont sortis de
l'anonymat. Deux laboratoires pharmaceutiques ont commercialisé des
vaccins efficaces contre les souches virales associées au cancer du
col de l'utérus. Au cours de ces recherches, Harald zur Hausen est
allé à contre-courant de ce qui était admis à l'époque. Il a suivi
l'hypothèse selon laquelle des souches oncogéniques de ce virus
étaient à l'origine du cancer. Il a recherché les ADN des souches
virales et ainsi pu démontrer qu'il existait une diversité de
souches de papillomavirus (plus d'une centaine), dont certaines
étaient associées au cancer. En étudiant des biopsies de cancers
cervicaux, il a identifié les souches 16 et 18, corrélées à plus de
70 % des cancers, en 1983. Cela a conduit à la caractérisation
de l'histoire naturelle de l'infection et à la compréhension des
mécanismes de la carcinogenèse induite par le HPV. Aujourd'hui,
deux vaccins prophylactiques existent. Des vaccins thérapeutiques
sont en développement.
Une protéine
fluorescente omniprésente
Cette année, le prix de Nobel de chimie a été attribué aux
Américains Roger Tsien et Martin Chalfie, ainsi qu'au Japonais
Osamu Shimomura. Ils sont à l'origine de la découverte d'une
protéine fluorescente issue de méduses et aujourd'hui utilisée
comme biomarqueur dans la détection de tumeurs cancéreuses, par
exemple. C'est l'une des protéines les plus utilisées en recherche.
Par exemple, elle a permis aux chercheurs de comprendre le
développement de cellules nerveuses dans le cerveau ou encore la
prolifération de cellules cancéreuses. Ce marqueur permet de suivre
les mouvements, les positions et les interactions des protéines
labellisées, visualiser les dommages engendrés par la maladie
d'Alzheimer ou suivre la formation de cellules sécrétrices
d'insuline dans le pancréas d'un embryon. Osamu Shimomura a été le
premier à isoler la protéine de la méduse qui vit au large de la
côte ouest d'Amérique du Nord. Il a découvert qu'elle s'illuminait
en vert sous ultra-violets ; Martin Chalfie a, quant à lui,
démontré l'intérêt de cette protéine comme un marqueur génétique de
divers phénomènes biologiques. Au cours de ses premiers travaux, il
a réussi à colorer six cellules individuelles du vers
Caenorhabditis elegans. Les recherches de Roger Tsien ont permis de
comprendre comment la protéine fluorescait. Il a aussi élargi la
palette de couleurs possibles avec cette protéine, ce qui permet
aux chercheurs d'attribuer des couleurs différentes aux cellules et
aux protéines. Une prouesse qui autorise le suivi de plusieurs
mécanismes biologiques concomitants.
N.T.