L'utilisation des nanotubes de carbone comme vecteurs thérapeutiques est actuellement évaluée par de nombreux laboratoires de recherche dans diverses applications. Leurs avantages en drug delivery sont nombreux.
Solubles et internalisés
dans les cellules, ils franchissent toutes les barrières
biologiques. Ils peuvent être fonctionnalisés, c'est-à-dire rendus
biocompatibles et même dotés d'une propriété pharmacologique. Cette
fois, des chercheurs de l'université de Houston (Rice University)
se sont intéressés à leur utilisation dans le traitement de
tumeurs, couplée à la technique d'irradiation par
radiofréquence.
L'histoire commence par la
réunion de compétences. D'un côté, le chirurgien, Steven Curley du
M.D. Anderson (Houston), rompu à la technique chirurgicale
d'irradiation in situ des tumeurs. Il utilise la RFA, la «
radiofrequency ablation » des tumeurs. « Cette méthode employée à
l'hôpital de Houston consiste à introduire une aiguille dans la
tumeur et d'y envoyer un champ de radiofréquences qui interagit
avec les tissus tumoraux. En absorbant ces rayonnements, les tissus
chauffent et meurent. En plus d'être invasive, cette technique a
comme inconvénient de provoquer la destruction des tissus sains
adjacents à la tumeur », explique Laurent Cognet, chercheur dans le
groupe nanophotonique à l'université de Bordeaux. Lui intervient,
dans cette collaboration avec des scientifiques de Rice University,
en qualité de spécialiste en nanotechnologies, en particulier dans
la caractérisation optique et l'étude des nano-objets individuels.
Objectif fixé: substituer l'aiguille chirurgicale par des nanotubes
de carbones mono paroi. « Les nanotubes vont absorber l'irradiation
radiofréquence à 13,56 MHz prioritairement aux tissus environnants.
Ils agissent ainsi comme des transducteurs formant des points
sources de chaleur directement à l'intérieur des tissus tumoraux »,
ajoute-il. Les chercheurs jouent ainsi sur un effet dose, ni trop
élevée, ni trop basse, pour cibler spécifiquement la sensibilité du
nanotube. Les nanotubes sont injectés directement dans le tissu
tumoral.
Dans l'attente d'un
agrément des nanotubes par la FDA, plusieurs essais ont été
réalisés in vitro sur trois types de cellules cancéreuses humaines
(hépatiques et pancréatiques) et in vivo sur des lapins infectés
par une tumeur hépatique. Les chercheurs ont testé différentes
concentrations de nanotubes (5 à 500 mg/L) ainsi que diverses
puissances différentes (100 à 800 Watts). Des tests sur la toxicité
des nanotubes réalisés après traitement ne révèlent pas d'effet
secondaire à court terme sur les lapins.
La prochaine étape du
projet consistera à améliorer la fonctionnalisation des nanotubes
et leur ciblage afin de limiter la destruction de cellules saines.
Reste à identifier les marqueurs tumoraux les plus spécifiques. Le
passage aux essais chez l'homme attend également un agrément de la
FDA pour utiliser des nanotubes de carbone en santé humaine. « Il
faudra patienter encore parce qu'avant tout, nous nous heurtons à
une grande hétérogénéité des nanotubes de carbone. Il nous faut
améliorer les procédés de synthèse ou encore de purification, pour
ne travailler que sur des structures bien identifiées et homogènes
des nanotubes monoparoi. Le succès de cette application repose sur
cette garantie de qualité », conclut-il.
N.T.