Alors que le gouvernement vient de présenter le texte qui ouvrira la porte aux actions de groupe en France, Jacques-Antoine Robert, avocat associé du cabinet Simmons & Simmons, spécialiste du secteur pharmaceutique, explique les contours d'un texte dont les limites permettent aux laboratoires d'échapper à un système à l'américaine.
Chimie Pharma hebdo: Quels
sont les contours de la loi telle que le gouvernement l'a
conçue?
J.-A. Robert: Le projet de
loi est à la fois prudent et équilibré et prévoit essentiellement
la possibilité pour une association nationale agréée de
consommateurs – il en existe dix-huit en France – de lancer une
procédure pour un groupe de plaignants.
La principale avancée du
projet de loi est d'accorder aux associations la faculté de lancer
une telle action sans devoir préalablement demander des mandats à
chaque consommateur. En cas de décision favorable à l'association,
les consommateurs pourront ensuite réclamer séparément
réparation.
CPH: Le gouvernement a
fortement limité le champ d'application du texte…
J.-A. R.: Tout à fait. La première limite est le montant du préjudice, qui devrait être inférieur à 2000 euros. C'est un plafond qui est volontairement assez bas: l'idée du gouvernement est de créer une nouvelle voie d'action pour les consommateurs, qui aurait par exemple pu être utilisée récemment dans le dossier qui opposait UFC-Que Choisir aux opérateurs de télécommunications. Autre borne importante, la possibilité de lancer de telles actions collectives est restreinte au droit à la consommation. Ce qui élimine de facto toute action du champ du droit du travail, de l'environnement, ou encore d'autres domaines de litiges, comme celui qui pourrait opposer un actionnaire à la société dont il a acquis des titres. CPH: Le texte écarte aussi toute logique de “class actions” à l'américaine pour l'industrie pharmaceutique, un des secteurs les plus fréquemment visés par ce genre de procédures. J.-A. R.: Les préjudices corporels sont exclus du champ d'application de la loi, comme les autres thèmes déjà cités. Les laboratoires ne pourront donc pas faire l'objet de procédures en nom collectif avec le texte tel qu'il est actuellement construit. Ils ne subiront ainsi pas en France les procès que l'on peut voir outre-Atlantique. Autre différence de notre système, il n'y a pas de mécanisme de “punitive damages”, et la justice continuera de réparer le préjudice et uniquement le préjudice, sans aller au-delà. Il est clair que le gouvernement souhaite maintenir les garde-fous de son projet qui, même avec ses limites actuelles, rencontre une forte hostilité du monde de l'entreprise. Il reste à mon sens un grand manque à ce projet: la possibilité de nouer des accords à l'amiable avec un interlocuteur unique, une issue qui concerne 94 % des class actions aux États-Unis. La France n'a pas souhaité prendre le dossier sous cet angle-là, alors qu'une procédure spécifique de règlement à l'amiable des litiges de masse permet de régler les dossiers plus vite, de donner à la fois aux entreprises et aux consommateurs un moyen de transiger rapidement et définitivement.
Propos recueillis par Cédric Ménard
J.-A. R.: Tout à fait. La première limite est le montant du préjudice, qui devrait être inférieur à 2000 euros. C'est un plafond qui est volontairement assez bas: l'idée du gouvernement est de créer une nouvelle voie d'action pour les consommateurs, qui aurait par exemple pu être utilisée récemment dans le dossier qui opposait UFC-Que Choisir aux opérateurs de télécommunications. Autre borne importante, la possibilité de lancer de telles actions collectives est restreinte au droit à la consommation. Ce qui élimine de facto toute action du champ du droit du travail, de l'environnement, ou encore d'autres domaines de litiges, comme celui qui pourrait opposer un actionnaire à la société dont il a acquis des titres. CPH: Le texte écarte aussi toute logique de “class actions” à l'américaine pour l'industrie pharmaceutique, un des secteurs les plus fréquemment visés par ce genre de procédures. J.-A. R.: Les préjudices corporels sont exclus du champ d'application de la loi, comme les autres thèmes déjà cités. Les laboratoires ne pourront donc pas faire l'objet de procédures en nom collectif avec le texte tel qu'il est actuellement construit. Ils ne subiront ainsi pas en France les procès que l'on peut voir outre-Atlantique. Autre différence de notre système, il n'y a pas de mécanisme de “punitive damages”, et la justice continuera de réparer le préjudice et uniquement le préjudice, sans aller au-delà. Il est clair que le gouvernement souhaite maintenir les garde-fous de son projet qui, même avec ses limites actuelles, rencontre une forte hostilité du monde de l'entreprise. Il reste à mon sens un grand manque à ce projet: la possibilité de nouer des accords à l'amiable avec un interlocuteur unique, une issue qui concerne 94 % des class actions aux États-Unis. La France n'a pas souhaité prendre le dossier sous cet angle-là, alors qu'une procédure spécifique de règlement à l'amiable des litiges de masse permet de régler les dossiers plus vite, de donner à la fois aux entreprises et aux consommateurs un moyen de transiger rapidement et définitivement.
Propos recueillis par Cédric Ménard