Alors que son compatriote Pfizer investit dans les vaccins à base d'ADN, c'est dans un autre domaine que Merck & Co a décidé de casser sa tirelire. Le laboratoire vient ainsi d'annoncer le rachat de SirnaTherapeutics, une société spécialisée dans les thérapies fondée sur l'ARN interférence (iRNA).
Le groupe américain
propose de racheter l'intégralité des actions de cette start-up
pour 13 $ par action, la valorisant ainsi à 1,1 milliard de dollars
(86 M€). Cette offre représente une prime de près de 100 % sur le
cours de clôture de Sirna à New York, ce qui a fait décoller
l'action de la société à + 92,71 %, à 12,43 $ lors de l'annonce du
rachat. La finalisation de cette opération est attendue pour le
premier trimestre 2007. Elle va permettre à Merck & Co de
compléter son portefeuille dans le domaine de l'interférence ARN,
constitué en 2001 lors du rachat de la société Rosetta
Inpharmatics.
Cette nouvelle approche
thérapeutique consiste à administrer un ARN double brin spécifique
à un gène, entraînant ainsi une atténuation ou un arrêt de
l'expression d'une protéine ou d'une particule virale. «
L'interférence ARN est un puissant outil de découverte. Nous
pouvons potentiellement utiliser cette technologie pour cibler des
gènes qui contrôlent l'activité des cellules cancéreuses, et
provoquer leur destruction sans endommager les tissus », a avancé
Stephen H. Friend, vice-président en charge de l'oncologie et des
neurosciences chez Merck.
Une technologie en attente
de validation
Sirna détient au total un
portefeuille de 200 brevets sur des technologies ARN liées à 250
gènes de mammifères ou à leurs cibles virales potentielles. Le
candidat médicament le plus avancé, le Sirna-027, est actuellement
en phase II du développement clinique. Cette molécule, un siRNA
chimiquement optimisé, entrerait dans le traitement de la
dégénérescence maculaire chez les patients âgés (AMD). Il est
codéveloppé avec Allergan, via un accord qui porte aussi sur des
recherches dans le traitement d'autres maladies ophtalmiques. Cet
accord pourrait amener, à terme, près de 250 M$ (204 M€) dans les
caisses de Sirna. Quant à l'alliance liant la start-up à
GlaxoSmithKline (CPH n°336), elle pourrait potentiellement lui
rapporter 700 M$ (572 M€). Elle porte
sur un siRNA ciblant le récepteur à l'interleukine-4 (IL4-R). Cette
molécule permettrait de réduire de 80 % l'hyperréactivité
bronchique liée à l'asthme.
Autre médicament candidat
prometteur, le Sirna-034, sélectionné pour entrer en phase de
développement clinique dans le traitement de l'hépatite C. La
start-up étudie d'autres domaines d'applications, comme les
affections du métabolisme (diabète de type 2), du système nerveux
central (maladie d'Huntington) et les infections par le virus de
l'hépatite C. Elle recherche également des traitements dans
l'oncologie (anti-angiogénique en développement avec Eli Lilly), la
dermatologie ou les maladies auto-immunes. Sirna a dégagé en 2005
un chiffre d'affaires de 5 M$ (3,8 M€) et a accusé une perte nette
de 24 M$ (19 Me), en raison d'un investissement de plus de 20 M$
(15,5 M€) dans la recherche et
développement.
Merck avait été le premier
laboratoire à signer un accord dans le domaine
Selon le cabinet de
conseil IDC, le marché des médicaments issus de l'ARN interférence
ARN pourrait atteindre 10 Mrds $ (7,8 M€ ) en 2014. Les start-up Alnylam, Genta, Invitrogen
et Nastech se sont également lancées dans cette aventure, qui
aujourd'hui intéresse de plus en plus les grands laboratoires
pharmaceutiques.
Merck & Co a
d'ailleurs été le premier grand laboratoire à signer en 2004 un
accord de recherche dans ce domaine, avec Alnylam, le plus
important des concurrents de Sirna. Alnylam a également scellé des
accords avec Biogen et Medtronic. Cette dernière alliance porte sur
le développement d'un nouveau dispositif d'administration des
médicaments incorporant de l'interférence ARN pour traiter des
maladies neurodégénératives (Parkinson, Huntington, Alzheimer). Il
a lui aussi débuté des essais cliniques, dans le domaine de
l'hypercholestérolémie. La course au premier médicament reposant
sur cette technologie vient d'être relancée.