Créée en avril 2007, Pharnext vient de lever 2,5 millions d'euros. Sa mission: développer de nouvelles indications pour des médicaments génériques.
« Paradoxalement, depuis
le séquençage du génome humain, l'industrie pharmaceutique produit
moins de médicaments », fait remarquer Daniel Cohen, co-fondateur
et p-dg de Pharnext, créée en avril 2007. Cette panne de
l'innovation a conduit les laboratoires à multiplier les
indications pour une même molécule, parfois ancienne. Ils
dépenseraient, pour cela, 5 milliards d'euros par an. Daniel Cohen
est le fondateur du Genethon, une initiative française qui s'est
étendue à un consortium mondial d'analyse du génome. La lecture des
gènes l'a convaincu de la nécessité d'élargir le champ d'action
thérapeutique des médicaments en les combinant. Des données issues
du séquençage, émerge une véritable « biointelligence », selon
Daniel Cohen. Premier enseignement: la pléiotropie des protéines. «
Une protéine peut avoir des fonctions complètement différentes.
Cela a été démontré pour la plupart des protéines étudiées en
détail », souligne-t-il. Une réalité qui conduit de nombreux
chercheurs à envisager la possibilité de réviser la nomenclature
des gènes. Par ailleurs, aucun patient atteint d'une maladie
monogénique (mutation sur un seul gène) ne présente qu'un seul
phénotype. La maladie se manifeste par un ensemble de symptômes,
faisant d'elle davantage un syndrome. C'est ce qui explique
pourquoi on observe des effets indésirables et parfois désirables
sur les patients traités également. Second enseignement majeur: la
synergie des activités des protéines. « L'équation schématique qui
considérait qu'un gène code une protéine, elle-même dotée d'une
fonction biologique précise et unique, est dépassée depuis
toujours. Nous avons montré que la maladie était liée aux activités
synergiques de groupes de protéines », explique Daniel Cohen. C'est
la somme de ces synergies qui se traduit en maladie. D'où l'intérêt
d'en cibler plusieurs du même réseau. L'analyse des données montre
que 1000 protéines en moyenne seraient impliquées dans une maladie.
Sur ces 1000 protéines, 50 sont déjà concernées par un médicament
de la pharmacopée existante. « Nous avons développé des outils nous
permettant d'identifier les plus synergiques avant de tester notre
gamme de médicaments sur nos modèles cellulaires et animaux »,
précise Daniel Cohen. En effet, les chercheurs de Pharnext ont
identifié 50 médicaments génériques avec lesquels ils comptent
trouver les combinaisons répondant le mieux aux dysfonctionnements
biologiques. « Notre algorithme prédit aussi les meilleures
combinaisons en fonction de leurs synergies dans le réseau de
protéines », précise-t-il. Ces recherches ont déjà permis de
réaliser que des groupes de protéines intervenaient dans diverses
pathologies. Ainsi, parmi les 50 molécules, les combinaisons de 2
ou 3 principes actifs, voire 4 à 5 principes actifs, plus tard,
offrent un panel large de chances d'identifier un nouveau
traitement. Cette stratégie a l'avantage de s'affranchir des
limites des modèles animaux. Pharnext s'appuie sur des données
validées sur l'homme. « Nos prédictions sont bonnes à 30 %, cela
signifie que sur 10 comprimés, 3 à 4 sont efficaces », ajoute
Daniel Cohen. Il a déposé des brevets en novembre 2007 sur cette
méthodologie originale et les activités biologiques
associées.
Pharnext devra lever 20 M€
début 2009
La société est hébergée au
sein de la pépinière Santé Cochin, à Paris. Les 2,5 Me levés auprès
de Truffle Capital, cinq mois après sa création, lui permettront de
sélectionner les premières molécules en vue des essais cliniques et
de déposer d'autres brevets. Pour le moment, Pharnext développe des
traitements dans les maladies neurologiques graves. Il n'exclut pas
d'autres champs de la biologie, comme l'immunologie. « Cette
nouvelle approche est l'aboutissement d'une expérience de 20 ans en
matière de génomique et de médicaments. Les concepts d'analyse des
polymorphismes à grande échelle et de pharmacogénomique sont sortis
des laboratoires Genset », se souvient-il. Daniel Cohen a animé
cette entreprise avec quatre collègues: Ilya Chumakov, Oxana
Guerassimenko, Serguei Nabirotchkine et Loïc Heidsieck, tous des
références dans le milieu pharmaceutique. Pharnext, qui bénéficie
du statut Jeune Entreprise Innovante (JEI), compte au total 8
collaborateurs. À Paris, la matière grise gère les analyses in
silico. Le reste est sous-traité, comme par exemple, les premiers
tests sur cellules de Schwann (du système nerveux). « Nous irons
jusque la preuve de concept en phase IIa chez l'homme. Puis nous
licencierons le développement clinique à des partenaires. Notre
objectif est d'accumuler des produits pour un portefeuille de
preuves de concept », ajoute-il. Une autre possibilité envisagée
est le travail en partenariat avec un laboratoire pharmaceutique
sur un projet précis.
Pharnext n'est pas la
seule société spécialisée dans le développement de traitements
innovants à partir de médicaments existants - « drug repositioning
»-, dont la toxicité des molécules est déjà connue et tolérable.
Mais la plupart, comme l'américain CombinatorX, font du criblage à
haut débit à l'aveugle. « Nous sommes au début de cette nouvelle
approche de la recherche thérapeutique. Mais nous sommes en avance.
L'idée de combiner les traitements est née il y a 10 ans. Et
encore, en Occident. La médecine chinoise, elle, en fait état
depuis toujours. Dans la pharmacie, il est très difficile de
bousculer les cultures et des processus installés durablement »,
observe Daniel Cohen. Dans un an, la société devrait compter 15
personnes. Elle lancera ses premières phases cliniques humaines
courant 2009 dans la maladie de Charcot Marie Tooth et d'autres
maladies graves. Pour y parvenir, elle devra récolter
20M€.
N.T.