Le Japon continue d'investir. Au moins en chimie, malgré la crise ou les
bouleversements sur sa scène politique. Ces dernières semaines, les chimistes
japonais ont multiplié les annonces (voir dans nos pages).
Le Japon continue d'investir. Au moins en chimie,
malgré la crise ou les bouleversements sur sa scène politique. Ces
dernières semaines, les chimistes japonais ont multiplié les
annonces (voir dans nos pages). De quoi occulter la récente
frénésie d'acquisitions outre-mer de la pharmacie japonaise. La
semaine dernière, la pharma nippone n'a pourtant pas manqué de se
manifester, avec un deal d'une ampleur de 2,6 milliards de dollars
(1,8 Mrd €). Soit la quatrième plus importante opération de
croissance externe de son histoire. Et comme souvent ces deux
dernières années, la cible se trouve de l'autre côté du Pacifique,
au coeur du plus gros marché mondial du médicament, les États-
Unis. Fondée en 2005 via la fusion de Dainippon Pharmaceuticals et
Sumitomo Pharmaceuticals, le groupe Dainippon Sumitomo Pharma
souffre de sa trop grande insularité. À l'instar de ses autres
concurrents nationaux, de Takeda à Eisai, d'Astellas à Daiichi
Sankyo. Lesquels, à l'exception d'Astellas qui a finalement retiré
son offre de 1 Mrd de dollars sur CV Therapeutics, se sont tous
lancés dans des acquisitions d'envergure d'acteurs américains. En
compilant les chiffres des opérations majeures rien qu'en 2008, on
frôle les 20 Mrds $. Depuis 2006, le cabinet d'analyse stratégique
Dealogic estime le montant total à près de 26 Mrds $. Certes, cela
reste trois fois moins important que la dantesque acquisition de
Wyeth par Pfizer pour 68 Mrds $. Les Américains restent maîtres de
la démesure. Sauf que la stratégie des laboratoires américains et
japonais n'est pas la même. Les besoins de renouvellement du
pipeline sont
« Un meilleur accès, voire même
un ticket d'entrée, au lucratif
marché nord-américain »
relativement similaires. Ces laboratoires se
rejoignent aussi sur un meilleur accès aux biotechnologies. Mais le
relais de croissance le plus convoité par les laboratoires japonais
demeure l'élargissement de leur part de marché mondial grâce à un
meilleur accès, voire même un ticket d'entrée, au lucratif marché
nord-américain. C'est d'ailleurs la motivation principale de
Dainippon Sumitomo avec son offre sur l'Américain Sepracor,
spécialisé dans les maladies respiratoires et le système nerveux
central. Masayo Tada, le président du groupe, l'affirme clairement
en souhaitant que « Sepracor devienne son centre d'excellence aux
États-Unis ». Et qu'il apporte surtout « une infrastructure
commerciale pour nos propres produits et une base stratégique pour
nos activités ». La fusion des pipelines sera le premier tremplin
nécessaire à la rentabilité rapide de l'acquisition. Avec Sepracor,
le groupe japonais ferait passer sur les marchés américain et
européen le nombre de ses produits en développement de 5 à 13, et
le nombre de ses produits commercialisés de 0 à 6. Sur le plan
commercial, les 2 100 employés de Sepracor, dont 1 200 pour les
seules forces de vente, seront un atout stratégique. Sur le plan
des actifs, Dainippon Sumitomo y gagnera des centres de R&D et
une usine aux normes GMP basée à Windsor, en Nouvelle-Ecosse
(Canada). Ce qui constituerait son premier centre de production en
dehors du Japon. Au plan national, Dainippon Sumitomo se hisserait
à la 6e place des laboratoires. Et améliorerait sa renommée à
l'échelle planétaire. Mais rien n'est encore fait. La prime de 27,6
% par action et l'accord du Conseil d'administration du laboratoire
américain sont encourageants. Pourtant, c'est une vraie « sortie du
bois » pour Dainippon Sumitomo. Car le groupe n'a aucun véritable
lien avec Sepracor. Il n'est d'ailleurs même pas titulaire de la
moindre action alors qu'il souhaite en détenir la totalité.